La langue française est une femme.
Et cette femme est si belle, si fière,si modeste,
si hardie, si touchante,si voluptueuse, si chaste,
si noble, si familière, si folle, si sage,
qu'on l'aime de toute son âme,
et qu'on n'est jamais tenté de lui être infidèle.
Anatole France
Le langage, instrument de communication par excellence, est fixé par l’écriture.
Dans notre société où l’écrit a pris une importance primordiale, l’histoire de l’humanité peut s’articuler en deux temps : avant et après l’écriture.
En effet, l’invention de l’écriture a révolutionné la vie. Elle a permis aux hommes de communiquer entre eux à des distances plus importantes que celle de la portée de la voix. Elle a apporté la permanence à la langue parlée - on pourrait dire son éternité même.
Au départ, il y a eu l’image. Elle s'est d'abord adaptée à l’idée puis aux sons de la parole.
L’alphabet que nous utilisons est un " hasard ". Nous avons emprunté notre " système " aux Romains uniquement parce que les textes chrétiens étaient traduits en latin et qu’ils étaient conservés au moyen de l’écriture latine. La fonction de l’écriture était de préserver à des fins religieuses les textes saints. Avant eux, les Grecs se sont appuyés sur le système des Phéniciens qui ont inventé l’alphabet, né lui-même d’un remodelage de l'écriture cunéiforme. Les systèmes idéographiques utilisés en Mésopotamie, en Égypte, en Chine (+/- 3000 avant notre ère) ne sont pas, eux non plus, une création originale. Ils résultent de la combinaison de deux modes de communication qui les avaient précédés : la parole et l’image.
La parole c’est l’exploitation par un groupe d’un système de signes vocaux dont le groupe est l’auteur. Elle diffère du système de communication des animaux en ce qu’elle permet d’associer un objet ou une idée à une combinaison de sons. Elle offre à l’individu la possibilité de se projeter dans l’avenir et de se retourner dans le passé.
Les anthropologues s’accordent à dire que l’origine du langage date de l’homo erectus, il y a plus d’un million d’années. Ils supposent cependant que sa faculté d’élocution était très rudimentaire.
Mais il est bien difficile de retracer la genèse du langage car il n’existe nulle trace matérielle de son évolution…
L’image est une proposition visuelle faite au groupe. Elle combine deux données : une surface (une paroi, un morceau de sol, un bout de bois…) et des figures, des traces, des taches, des signes… qu’ils soient produits ou non par la main de l’homme.
L’image, contrairement à la langue, n’est pas un système. Elle ne demande pas la présence de l’émetteur et du récepteur.
L’écriture est apparue au moment où le système de signes visuels qui était censé transmettre les messages venus des dieux est devenu le support de ceux des hommes. D’abord pictogrammes, elle a évolué grâce aux scribes qui ont utilisé des images stylisées pour signifier des concepts.
De l'image, les hommes sont arrivés aux signes qui se groupaient de certaines façons afin de désigner des mots, des choses, des idées.
Vers 2500 av. J.-C., l’écriture cunéiforme permettait d’écrire des textes littéraires (fables, proverbes…).
La technique a fait évoluer l’écriture : utilisation des roseaux, des tablettes d’argile, de papier, de l’imprimerie…
Une longue marche pour en arriver jusqu’à nous où l’écrit est véhiculé de par le monde en quelques secondes grâce aux vecteurs de l’Internet.
La linguistique, (étude scientifique du langage humain (langage vocal), tel qu'il se réalise dans une langue) est devenue une science à part entière. Longtemps limitée à la grammaire, à l'analyse phonétique et à l'approche historique, elle étudiait comment il convenait d'utiliser une langue et suivant quelles règles. Au début du XXème siècle, grâce au Genevois Ferdinand de Saussure (1857-1913), on a plutôt cherché à comprendre comment les langues avaient été utilisées afin de connaître leur évolution et leurs rapports réciproques.
A côté de cette science, est née une autre science : la graphologie. L'hypothèse de départ est que l'acte d'écrire n'est autre chose qu'un mouvement de la main régi par le cerveau et donc l'expression particulière d'un individu. La graphologie tente d'interpréter la personnalité à travers l'écriture. Science jeune, elle inspire encore de la méfiance face à ses domaines d'application et à d'éventuelles conclusions trop hâtives.
L'analyse graphologique commence par l'observation du document et le relevé des signes graphiques les plus fréquents pour établir la "définition" de l'écriture. Vient ensuite l'interprétation psychologique sur base de nombreux paramètres : vitesse de l'écriture, forme, direction, dimension, continuité, ordonnance, pression du trait,…
La sémantique est l'étude scientifique du sens des unités linguistiques et de leurs combinaisons. Elle s'attache à l'étude de la langue sur le plan de la signification : synonymie, changements de sens d'un mot, structure du vocabulaire...
Le champ sémantique est l'ensemble des différentes significations d'un même mot dans les différents contextes où il se trouve. Dans chacune des expressions, le même mot a un sens précis différent :
Ex : pièce
1. Espace habitable d'un logement délimité par des murs ou des cloisons. Un appartement de trois pièces (ou un trois-pièces).
2. Morceau de métal plat, génér. façonné en disque, et servant de valeur d'échange, de monnaie. Une pièce de un franc.
3. Ouvrage dramatique. Une pièce en trois actes.
4. Document écrit servant à apporter une information, à établir un fait, etc. Les pièces d'un dossier. Pièces justificatives...
Le lexique est l'ensemble des mots formant la langue d'une communauté et considéré abstraitement comme l'un des éléments constituant le code de cette langue.
Le champ lexical est une série de mots qui possèdent des propriétés communes et se rapportent à une même idée ou notion.
D'où vient le Français ?
La langue française comme toutes les langues s'est construite au fil de l'histoire. De la rencontre des peuples, de guerres et d'alliance, d'échanges commerciaux en simple voisinage, nos ancêtres ont adapté leur langage afin de se faire comprendre de leurs semblables.
Avant d'arriver jusqu'à nous, les mots ont subi bien des modifications que ce soit au niveau de leur forme ou de leur sens.
Il y a environ cinq mille ans, le peuple qui vivait dans nos régions faisait partie d'une vaste aire culturelle qui s'étendait jusqu'au cœur de la Bohème. Les peuples étaient apparentés par la langue, la culture et le mode de vie. Nous l'appelons aujourd'hui "le monde celtique". Ils parlaient le gaulois.
Les légions de Jules César conquièrent la Gaule en 52 av. J.-C. et leur langage devient peu à peu la langue du territoire.
Dès l'an 200, les Francs qui viennent de Germanie ravagent la Gaule romaine. Ils adoptent néanmoins le langage des vaincus en y adjoignant quelques dizaines de mots : pott - pot ; suppa - soupe, ...
Dans le Sud, les Sarrasins nous ont aussi laissé quelques 300 mots arabes en même temps que l'algèbre et les échecs. Certains mots ont suivi leur chemin pour arriver jusqu'à nous sous des formes qui ne laissent pas imaginer qu'ils proviennent aussi de l'arabe. Les mots d'origine arabe représentent près de 5,1% de notre langue.
Les échanges commerciaux ont amené de nouveaux mots de chez les Astèques : tomatl - tomate ; ayacotl - haricot ; cacautl - cacahuète ; de chez les Néerlandais : boek - bouquin ; ringhband - ruban ; de Bulgarie : jaourt , des Inuits : anorak et de l'hindi : pyjama.
L'allemand a donné environ 200 mots dont accordéon, bière, bivouac, blocus, bretelle, chenapan, choucroute, cible,dollar, ersatz, espiègle, képi, obus, sabre, trinquer, valse, vasistas ...
L'italien a apporté environ 1.000 mots : balcon, banque, bouffon, boussole, brigade, canon, concerto, confetti, cortège, courtisan, crédit, dilettante, escadron, faillite, fresque, graffiti, incognito, opéra, page, pittoresque, scénario, soldat, solfège, ténor ...
L'espagnol a donné quelques 300 mots dont : abricot, adjuvant, banane, bizarre, camarade, casque, cédille, chocolat, cigare, guérilla, hâbleur, maïs, matamore, mirador, moustique, romance, sieste ...
L'anglais a donné et donne encore actuellement des dizaines de nouveaux vocables : knife - canif ; bat - bateau ; barma, bifteck, box, budget, car, casting, comité, football, forecast, grog, hardware, hold-up, look, marketing, match, punch, rail, raout, record, rosbif, sandwich, sketch, software, stock, string, toast, tunnel, zoom ...ce qui ne manque pas de poser certains problèmes appelés anglicismes.
Le russe a apporté boyard, cosaque, isba, mammouth, moujik, samovar, steppe ...
Les sciences avides de termes adéquats ont forgé des mots sur base de racines grecques et latines.
Mais les mots ne viennent pas uniquement de l'étranger : il y avait sur nos territoires des dizaines de langues et de patois et quelquefois, des mots de ces régions entraient dans le langage : boulend (boulanger) du picard ; merki (marché) du normand ; bizou, bijour, baragouin, biniou, domendu breton et une multitude de mots venant du provençal dont le mot "amour", cabas, cigale.
Plus près de nous, l'argot ou plutôt les argots nous apportent de nouveaux mots : boniment, coquille, pion ...
Le latin, que les soldats de César amènent dans nos contrées (59-51 avant J.C), est parfois lui-même emprunté au grec. Il est adopté peu à peu par les populations de la Gaule (bas-latin).
Depuis vingt siècles, les mots gallo-romains évoluent et changent de forme et de sens.
Dans notre vie quotidienne, nous employons encore certains mots ou expressions latins et de nombreux mots français sont construits sur des préfixes latins ou des racines latines.
Le latin est la seule langue officielle. Le langage des populations n'est pas unifié, ni fixé. Dès le Vème et pendant les VI, VII, et VIIIème siècles, ils adoptent une langue formée de latin et de restes de gaulois : le Roman qui présentait bien des différences selon les régions. Une ligne "La Rochelle - Grenoble" scinde le territoire en deux. Au Nord de cette ligne, c'est la langue d'Oïl, au Sud, la langue d'Oc. Sans cesse, la langue locale se "frotte" à la langue de l'Église catholique. Il faudra attendre jusqu'en 1539, date de l'ordonnance de Villers-Cotterêts sous François I qui élève le français en tant que langue royale.
Le premier document possédé en roman est le Serment de Strasbourg, prononcé par Louis le Germanique en 842.
Le français tire son origine du francien - dialecte de l'Île de France. La langue d'Oïl a évolué en différents langages locaux tels l'anglo-normand en Normandie, le picard dans la région d'Amiens et de la Somme, le champenois, autour de Troyes et Reims et le wallon que l'on parle dans une partie de la Belgique du Sud jusqu'à Liège. Les Normands conquièrent l'Italie du Sud et la Sicile ; le français se parle jusqu'en Hongrie et en Angleterre où il devient la deuxième langue officielle. Il s'y maintiendra durant 300 ans et une grammaire latine, le Donat français paraîtra même vers 1400.
A la fin du XIème siècle, les premières œuvres littéraires sont écrites en langue d'Oïl : anglo-normand, champenois ou picard.
Le français prend de plus en plus d'importance. De nombreux croisés répondent à l'appel du pape et partent pour la Palestine : le français se répand en Syrie, au Liban, à Jérusalem. Les royaumes de Jérusalem et d'Antioche adoptent le français comme langue officielle.
Les échanges commerciaux favorisent la langue française qui devient la langue internationale des transactions. Les foires commerciales qui se déroulent en France sont prestigieuses et attirent des commerçants des quatre coins de l'Europe.
A la fin du Moyen Age, le français rayonne. Il est la langue du pays le plus peuplé mais aussi le plus riche d'Europe. Les universités de France sont renommées et attirent de nombreux étudiants étrangers.
Les XIV et XVème siècle voient l'apparition de la langue française proprement dite qui abandonne l'usage des "cas" latins.
Le français moderne se fixe définitivement au XVIIème siècle avec Malherbe, Descartes, Corneille, Pascal, Racine, Molière, Boileau, La Bruyère, Bossuet... La fixité de la langue doit beaucoup à l'Académie Française, fondée en 1635 par le Cardinal de Richelieu. Le français devient alors une affaire d'État.
C'est vers la fin du XVIème siècle que le français se voit concurrencé par l'espagnol et l'italien (c'est l'époque de D'ante et de Pétrarque, de Machiavel et de la richesse de Florence, de Venise et de Gênes).
Le XVIIème siècle marque le retour du français. Louis XIV est à son apogée et la cour de Versailles bénéficie d'un grand prestige. La France compte de grandes plumes : Molière, Racine, La Fontaine. De nombreux savants étrangers vivent en France. La révocation de l'Édit de Nantes (1685) provoque la fuite de nombreux français protestants qui s'établissent en Allemagne, en Autriche, en Suisse,...
Au XVIIIème siècle, les traités sont rédigés en français. Il restera d'ailleurs la langue diplomatique jusqu'à la guerre 14-18. Dans les cours allemandes et italiennes, de nombreux chambellans, fonctionnaires, peintres, ... parlent le français. Les princes écrivent dans un français excellent et leurs enfants sont le plus souvent éduqués par des précepteurs français.
Le XIXème siècle marque l'apogée du français dans la foulée de la révolution. Les correspondances de l'État russe sont en français. Les souverains européens correspondent entre eux en français. La charte olympique instaure le français comme langue officielle aux côtés de l'anglais. Les cérémonies d'ouverture et de clôture se font en français et sont ensuite traduites dans la langue du pays d'accueil. La colonisation française permet au français de s'implanter à nouveau un peu partout dans le monde.
Le XXème siècle voit les guerres mondiales faire vaciller les empires coloniaux. Les pays colonisés acquièrent leur indépendance. L'expansion du français semble arrêtée.
Egger Ph.